Déboires du déraciné de Mèvognon Basile Mèdokponou : Un roman d’angoisse et de formation

Déboires du déraciné de Mèvognon Basile Mèdokponou : Un roman d’angoisse et de formation
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LA CHRONIQUE. Déboires du déraciné est le premier roman de l’Instituteur béninois Mèvognon Basile Mèdokponou, paru chez Kama Gold éditions à Porto- Novo, en juillet 2021. L’ouvrage développe l’une des thématiques les plus traitées par les Romanciers africains de langue française : l’acculturation. Analyse.


« Au contact de l’Occident le négro-africain est formé comme le métropolitain de sa classe; selon les méthodes occidentales au nom de principes occidentaux, pour devenir auprès de ses congénères le messager de l’Occident. ». Cette pensée de Thomas Mélone dans De la négritude porte tout sens dans le roman Déboires du déraciné de Mèvognon Basile Mèdokponou. 


Comme dans la plupart des romans d’auteurs africains, le sort de plusieurs personnages de l’œuvre de l’Instituteur – romancier traduit à suffisance les effets de l’acculturation. Ainsi, peut –on noter, dans l’ouvrage qu’à la manière de l’introduction d’un virus dans l’organisme, l’acculturation a attaqué directement la psychologie de plusieurs personnages, les plongeant, du coup dans une perte partielle d’identité pour les uns et une perte totale pour les autres. Au-delà de la perte d’identité, l’autre conséquence fâcheuse découlant immédiatement de l’acculturation est la perte des valeurs africaines, la perte de la dignité humaine.

En effet, dans son ouvrage, l’auteur n’a pas marchandé les mots pour le faire savoir. A la page 74, il soutient qu’« en l’absence de la morale, chacun invente la sienne ». En ville, «  ne soyez pas surpris de l’existence des marchés de sexe », avertit – il avant de marteler à la page suivante : « ce qui est libertinage chez nous (village) se trouve évolution du monde là bas (ville) ».

En clair, Mèvognon Basile Mèdokponou se désole du troc culturel dont sont victimes les citadins. Certains en arrivent jusqu’à renier leur origine. Ces derniers sont sans doute aux antipode de la pensée de l’Ecrivaine béninoise, auteur du roman Vodoun, la forteresse d’espérance, Micheline Adjovi qui dit dans son ouvrage, Ouidah, fille légataire de l’Egypte antique  : «  aussi vrai qu’il n’y a pas d’arbre sans racine, il est tout aussi vrai éprouvé qu’il n’existe pas d’individu sans famille ni de peuple sans origine. Reconnaître parmi la multitude le chemin qui mène chez soi calme les nerfs et soulage du stress, pendant que retrouver ses origines rassure et apaise la conscience ». Qu’en est – il pour Charles Djibo, le personnage principal du roman Déboires du déraciné ?
Lui qui n’est jamais allé au village. Il est né à Cotonou, il a grandi à Cotonou, il a épousé Ahissi à Cotonou. Son enfant est aussi né à Cotonou. Mais contre toute attente, Gabin, son fils lui demande à rentrer au village. Par une terrible maladie. Contraint donc de retourner au village, un village qu’il ne connait que de nom, Charles le citadin se retrouve entre « se rendre à Dounou » pour être « soulagé du stress » ou s’entêter et voir son fils aîné mourir. A sa place, qu’auriez – vous fait ? Pour ce qui le concerne, vous découvrirez la suite en achetant et en lisant le roman.

Quant à moi, je voudrais vous signaler que Mèvognon Basile Mèdokponou a façonné Charles Djibo à la manière de Fatoman, le héros du roman Dramouss de Camara Laye. Une manière de marcher dans les pas de ses aînés.

Par Esckl AGBO© BENINLIVRES, septembre 2021