Analyse. « Il arrive que les vicissitudes de la vie nous acculent et nous rejettent sur les limites de notre jardin secret. Celui – ci se dilate alors à la dimension de l’espace ouvert d’un jardin public ». Cette assertion est du journaliste – Ecrivain béninois Jérôme Carlos. Il l’a dite dans sa préface du livre J’ai vaincu parce que j’ai cru de sa compatriote Micheline Adjovi. Etienne Bibi, le jeune essayiste du Bénin – que nous voudrions vous faire découvrir dans cet article, lui donne raison, en ouvrant à la face du monde sa pensée sur le système démocratique africain. En désaccord avec la façon dont ce régime politique est appliqué dans le plus vieux continent, il s’exprime à travers Potions thérapeutiques aux soleils de la démocratie en Afrique, son 1er livre paru à Cotonou aux éditions Plumes soleil en 2020. Décryptage.
Petit et léger, cet ouvrage ne pèse pas lourd – 95 pages. Il est écrit dans un français facile à comprendre, une écriture sobre qui vous transporte dans l’univers d’un essai dans lequel est logée une pléthore de réactions d’auteurs de classiques africains et européens sur la question de la démocratie en Afrique.
Etienne Bibi n’est pas le premier auteur à aborder dans un livre ce sujet. Mais son ouvrage trouvera sans doute, un grand écho. Potions thérapeutiques aux soleils de la démocratie en Afrique est à la fois une voix et une plume.
Une voix parce qu’en le lisant, on découvre un jeune auteur engagé à porter la « voix des sans voix ». Sous sa plume, cette voix raisonne puis résonne pour sonner le glas de la mauvaise pratique de la démocratie en Afrique. « Il n’y a que de mots poignants pour exprimer le fonctionnement de la démocratie en Afrique », matraque – t – il à la page 44, ceci, pour exposer ensemble avec l’Economiste rwandais Faustin Hitiyise, cité à la page 41 du livre que « la plupart des pays africains ont ignoré la jeunesse. Au lieu de consacrer ses ressources à la formation des générations futures, nous avons armé nos citoyens , agressé nos voisins ».
Etienne Bibi, propose cinq mesures pour repenser la démocratie en Afrique. Lesdites mesures désignées « potions thérapeutiques » passent par un examen minutieux du fonctionnement de ce régime en Afrique. De son autopsie, le jeune essayiste étale que la démocratie en Afrique ne considère ni le peuple ni la liberté qui sont en réalité ses deux éléments fondamentaux. « Que vaut la démocratie dans une Afrique où les citoyens sont arbitrairement emprisonnés? », se demande –t- il à la page 41.
Et pour étayer sa thèse, Etienne Bibi rappelle plusieurs faits et événements enregistrés par les pays africains, lesquels montrent à raison qu’à l’école de la démocratie, l’Afrique est un mauvais écolier.
Une plume parce que Etienne Bibi a compris avec Marguerite Duras qu’ « écrire, c’est hurler sans bruit ». Il va d’ailleurs plus loin en pensant comme Paul Léautaud que « la littérature n’a rien avoir avec la richesse du vocabulaire sinon le plus grands des chefs- d’œuvres serait le dictionnaire ».
En effet, le jeune essayiste, en développant la thématique a pris soin de s’éloigner des expressions grandiloquentes qui pourraient rendre son message flou. Directe et simple, il exploite une plume ouverte, accessible à tout lecteur quel que soit son niveau d’étude. Un style proche de celui de son aîné dans l’écriture, Jérôme Carlos reconnu pour la simplicité de ses chroniques.
Sur un autre plan, Etienne a fait un travail approfondi en invitant dans son livre un bon nombre d’auteurs de classiques africains. Jean Pliya avec Les tresseurs de cordes, Aminata Sow Fall avec L’ex Père de la nation, Seydou Badian avec son célèbre roman Sous l’orage, Ken Bugul, Riwan ou le chemin de sable, Henri Lopèz, Le pleurer – rire, Olympe Bhêly Quenum, Un piège sans fin, Ahmadou Kourouma, avec En attendant le vote des bêtes sauvages, Aliom Fantouré, Le Cercle des tropiques, Ferdinand Oyono, Une vie de boy. Chinua Achebé avec Le monde s’effondre et L’aventure ambigüe de Cheik Amidou Kane. Tout ceci avec un clin d’œil aux auteurs contemporains parmi lesquels les Béninois Edgard Okiki Zinsou, avec Les sanglots politiques et Daté – Atavito Akayi Barnabé, L’affaire Bissi. N’est – ce pas là tout l’intérêt littéraire de cet essai !
Par Esckil AGBO © BENINLIVRES, septembre 2020