LA CHRONIQUE. L’Accusé de Okouta est un recueil de nouvelles de Comlan Pacôme Alomakpé, publié chez Savanes éditions à Cotonou en mai 2022. Le livre met en exerge la riche culture du jeune auteur béninois des questions du patrimoine culturel.
Lorsque nous avons fini la lecture de l’ouvrage, nous nous sommes dit à milles reprises que Comlan Pacôme Alomakpé aurait dû choisir pour titre « La Cour de Dah Avivokin ». Il s’agit en effet, de l’intitulé de la deuxième nouvelle de l’oeuvre. L’ouvrage en compte au total cinq : « L’Accusé de Okouta », la nouvelle éponyme, « La cour de Dah Avivokin », « Les frustrés », « Monsieur Calpini » et « Yakpé » ; il s’étend sur 160 pages. Il présente une très jolie couverture, avec un intérieur imprimé sur du papier ivoir. C’est un beau livre, du point de vue de sa présentation physique. Qu’en est – il alors du contenu ?
Des cinq nouvelles de l’œuvre, nous avons été, particulièrement ému par la force de « La Cour de Dah Avivokin ». Nous avons d’ailleurs suggéré à l’auteur d’en faire un roman. Voici pourquoi.
Une histoire vive, un récit linéaire
Etinkpon est un jeune diplômé, titulaire d’une maîtrise en anglais et d’une licence professionnelle en médiation culturelle. Il travaille, en qualité de guide touristique au Musée d’Abomey. Un jour, alors qu’il conduisait un groupe de touristes dans les différentes salles de visite du centre muséal, il remarqua l’absence d’un des objets les plus importants de la collection du Musée : le Gubassa . Or, vingt quatre heures plus tôt, à la fermeture de l’établissement, ledit objet était bien en place. Dernière personne à voir le Gubassa et le premier à remarquer sa disparition, Etinkpon devint le principal suspect. Il fut remis, avec un de ses collègues, à la police qui se lança sur la piste de recherche de l’objet disparu. Comment l’objet a –t-il disparu ? Etinkpon dit ne pas être le cambrioleur. Et si ce n’est pas lui, qui alors ? Son collègue de bureau ? Son directeur ? La police a –t- elle retrouvé le faussaire ? Quel a été le sort de Etinkpon ? Voilà autant de questions qui occupent la pensée du lecteur, quand une à une, il tourne les pages du livre pour découvrir le contenu de cette nouvelle.
L’histoire est vive dans ce texte. En d’autres termes, la nature des différents événements , racontés ou décrits dans cette nouvelle, est percutante. L’impressionnante description du Musée en début de la nouvelle, la mort précoce de la stagiaire Doguê, l’arrivée des touristes, la visite guidée, le constat de la disparition du Gubassa et l’arrestation de Etinkpon sont autant de faits et d’actions magnifiquement présentés par le jeune auteur béninois, et ce, en peu de mots.
D’ailleurs, à ces faits, nous ajoutons ‘’l’entrée en scène’’ de Dah Avivokin, le Grand – Prêtre Vodoun, chez qui, a véritablement démarré l’histoire racontée dans l’ouvrage. En effet, c’est dans « la cour de Dah Avivokin » que le principal suspect du prétendu vol du Gubassa a découvert pourquoi l’objet 82.G1.015 avait disparu. Un fait qui est, d’ailleurs, à l’origine du trépas de sa jeune collègue Doguê.
Le récit, pour dire la manière dont l’histoire est écrite ou racontée dans le livre, est linéaire. Nous avons noté le respect de la chronologie des faits. Comlan Alomakpé, par la voix du narrateur, ici, hétérodiégétique livre au lecteur les événements dans l’ordre où ils sont produits.
L’absence d’analepses est l’un des indices de ce style d’écriture qui peut être justifié dans « La cour de Dah Avivokin » par la quasi – absence du plus – que parfait du mode indicatif.
En clair, « La cour de Dah Avivokin » est une nouvelle charmée à laquelle ne peut résister aucun lecteur, elle secoue les méninges et donne de frissons. La panique, la terreur, la colère, tout y est pour provoquer l’émotion du lecteur et le maintenir scotché à l’ouvrage.
Par contre, l’écriture de « L’Accusé de Okouta » qui a donné son titre au livre nous paraît moins forte. Elle est sobre et pratiquement sans suspenses. Le lecteur averti qui a suivi l’actualité béninoise à une certaine période, pendant les dix ans de règne de l’ex Président Boni Yayi, pourrait sans trop réfléchir deviner les faits, personnes et personnalités réels concernés.
Toutefois, nous reconnaissons, qu’ici l’auteur a fait recours à l’analepse (retour en arrière sur certains événements) pour restituer l’histoire de Adambi, le principal personnage. Et comme la nouvelle éponyme, « Monsieur Calpini » et « Yakpé » n’envoûtent pas autant que « La cour de Dah Avivokin ».
Nous reprochons au jeune nouvelliste le choix du titre du livre.
« La cour de Dah Avivokin » mérite d’être la vitrine de cet ouvrage. Si vous ne nous croyez pas, achetez l’ouvrage et nous ferions le débat après votre lecture.
Par Esckil AGBO © BENINLIVRES, juin 2022