Quand on finit de parcourir les 154 pages du roman intitulé Le hiatus de la Béninoise Sophie Adonon, paru pour la première fois en juillet 2014 aux éditions Edilivre en France, réédité plus tard chez Amazone, on se pose deux questions. L’auteure dénonce-t-elle la sorcellerie ou l’enseigne –t-elle ?
« La sorcellerie désigne, l’art d’interroger le sort (hasard, destin), et par extension d’en modifier le cours. Le mot désigne plus généralement la pratique d’une certaine forme de la magie dans laquelle le sorcier travaille avec des forces surnaturelles, des entités maléfiques ou non, et parfois aussi des forces naturelles connues comme celles des plantes, des cycles lunaires, des ondes, des suggestions ».
Cette signification du mot « sorcellerie » que propose Wikipédia à ses lecteurs est bien partagée dans Le hiatus de la Romancière béninoise.
Sophie Adonon, dans ce livre évoque une réalité qui sévit en permanence en Afrique, singulièrement au Bénin. « Le Hiatus aborde les réalités endémiques de l’Afrique en général, et du Bénin, en particulier. Je veux parler de ce fléau perpétuel qu’est la sorcellerie et ses corollaires », nous avait indiqué l’Ecrivaine au cours d’un entretien que nous avons eu avec elle en juillet 2014.
Avec ce roman, le lecteur fait un voyage au royaume des sorciers ; c’est une fiction riche en rebondissements. « Un roman très dur et plein d’émotions », qualifie son auteure.
En résumé
Le hiatus de Sophie Adonon est l’histoire de trois amies, une Béninoise, une Burkinabè et une Ivoirienne ; elles vivent toutes en France. A chacune d’elles, la vie offre quotidiennement une « succession de drames ». Bénédicte, la Béninoise, malgré son doctorat en espagnol est la proie facile d’une vie tourmentée, sans équilibre voire perdue. Flaviatou, la Burkinabè est un Guide touristique destinée à un magnifique séjour terrestre, avec son conjoint Roland. Mais, pour elle, tout bascula brusquement dans l’horreur. Quant à Bineta l’Ivoirienne, sa vie a vite été écourtée après une série d’événements terribles. Différemment, chacune des vies des trois Africaines s’étiolait sous le poids de la sorcellerie. Qui se sert donc de cela pour causer tant de torts à ces amies. Ont – elles réussi à découvrir la vérité, quand on sait d’ailleurs que l’Ivoirienne a perdu la vie dans cette entreprise ?
Le titre du roman est métaphorique ; Sophie Adonon l’a utilisé pour raconter le sort fixés et viciés par la sorcellerie, de ses trois héroïnes. Le hiatus est une figure désignant un groupe de deux voyelles ou de deux éléments vocaliques contigus, situé à l’intérieur d’un mot ou à la finale d’un mot et à l’initiale du mot qui suit, qui est prononcé séparément ; ou plus simplement, il est la rencontre ou la séparation entre deux voyelles dans un même mot.
A travers ce roman, Sophie Adonon se retrouve entre « enseigner » ou « dénoncer » la sorcellerie. ‘’La magie noire’’ y est parfaitement décrite, décortiquée de sorte que le lecteur la comprend vite et bien.
Sophie Adonon, Enseignante de la sorcellerie ?
« Le Hiatus n’a pas la prétention d’être un livre spécialisé dans la sorcellerie. J’en laisse le soin aux experts ! C’est une fiction. Celle-ci est nourrie de mes observations, de ma culture africaine et des témoignages que j’ai recueillis de part et d’autre », nous confiait l’Auteure en 2014. Presque six ans plus tard, soit le 13 juin 2020, à la faveur d’un débat sur le livre dans le forum whasapp de la Fédération des associations des gens de lettres et assimilés (Faegla – Bénin), elle réitère ses propos en ces termes: « je ne suis qu’une romancière, élevée dans la culture endogène. Au – delà des lettres, je me trouve démunie car non initiée».
En clair, l’Ecrivaine rejette l’hypothèse qui tente de faire d’elle, une Spécialiste des questions de sorcellerie. Son roman n’est donc pas un support de cours sur la sorcellerie.
C’est vrai qu’en lisant le titre, on ne peut s’imaginer qu’il y est question de la sorcellerie. Mais quand on dévore les 154 pages de l’ouvrage, on se retrouve bien ‘’outillé’’ sur ce sujet.
Trois passages qui l’illustrent
« La sorcellerie est une manière lâche et secrète de nuire à son prochain ou de le tuer en toute impunité ».
page 13
« C’est un virus qui tue plus que le sida, mais dont nul Chercheur ne se préoccupe, dans aucun laboratoire »
page 13
« Ancêtre du réseau internet, la sorcellerie tisse une toile cabalistique dont elle couvre la planète entière. Elle peut frapper n’importe qui, n’importe où, et quand bon lui semble, par un système de réseau ».
page 23
Réaliste, cet ouvrage révèle comment les sorciers arrivent à dominer ‘’l’univers’’ ; comment ils parviennent à briser le tissu social, comment ils anéantissent et sacrifient leurs victimes. C’est de la magie noire ; une science redoutable, soutient la romancière béninoise.
Ainsi, s’oppose – t – elle à l’Historien français Jean Palou (1617 – 1967) qui, dans son Introduction du Que sais – je ? consacrée à la sorcellerie a essayé de relativiser le débat sur ce sujet.
« la Sorcellerie, différente de la Magie en ce qu’elle n’est pas une science et par cela même n’affectant que les mentalités primitives », écrit – il. Selon l’auteur français, elle « n’est qu’un mot dans la bouche des hommes, celui dont on pare l’ennemi spirituel ou l’ennemi tout court. Sorciers ou Sorcières ne sont que les victimes désignées de l’adversité sociale ». Reflet des mœurs, poursuit – il, « la Sorcellerie est l’aspect le plus poussé des craintes et des haines. L’Homme tremblant devant les forces naturelles essaie de les dominer et de se les asservir. Il conjure le Mal. Au besoin il s’en servira à l’égard de son prochain, par haine ou… par amour. Ainsi naît le complexe du sorcier ».
Par Esckil AGBO, ©BENINLIVRES, Juin 2020