Il est titulaire d’un Diplôme d’étude supérieure spécialisée en finance et contrôle de gestion (Université d’Abomey – Calavi) et d’un DEA en économie industrielle (Université Cheikh Anta Diop de Dakar). Un scientifique de formation, Hector Djomaki se forge également une carrière de romancier. A son actif, on dénombre déjà quatre romans. La flamme du mensonge (2011), Revers à rebours (Plume soleil 2015/ Savanes du continent, 2018), Ce jour où j’ai failli (Savanes du continent, 2018), La rue a aussi ses anges (Savanes du continent, 2019). Il est l’invité du 2ème numéro de notre rubrique Livre Expo. Au menu, son 4ème roman : La rue a aussi ses anges.
Entretien
Radio Beninlivres : Bonjour Hector. La rue a aussi ses anges, paru en 2019 chez Savanes du continent est votre 4ème roman. C’est un récit sur les enfants de la rue. Dites à nos internautes de quoi il est question.
Hector Djomaki : La rue a aussi ses anges, c’est le cahier journal d’un enfant de la rue de Cotonou du nom de Yako qui parle du phénomène des enfants de la rue, le trafic des enfants et plusieurs faits de société. Il est question d’une histoire bouleversante, drôle et instructive sur ce phénomène vieux qui prend constamment d’ampleur.
Yako, le héros est donc contraint à la vie dans la rue. Mais on a l’impression qu’il s’y plait. N’est – ce pas ? Veuillez raconter aux internautes de Beninlivres son histoire.
Yako est un gamin bavard, impertinent et drôle qui nous livre sans tabou le cliché de son quotidien, ses aventures et mésaventures loin du carcan familial. Il parle de tout, sa famille, ses amis dans la rue, les vols, les braquages, la douleur et la famine qui rongent un enfant de la rue. Entre un chef du nom de Toukpin et une patronne du nom de Nougbèhin, Yako a vécu l’enfer. En passant des coups et de la maltraitance du chef Toukpin il se voit livré au trafic des enfants dont le chef orchestre est dame Nougbèhin. L’histoire de Yako est d’une tristesse inédite.
Votre personnage principal, enfant de rue, est montré intelligemment docile. Il a eu plusieurs patrons dont Tougbin et dame Nougbèhin. Avec la dernière, il a découvert le trafic d’enfant, une chose qu’il n’a pas appréciée mais qui va lui coûter l’assassinat de sa mère. Quel est le message que vous voudriez passer à travers dame Nougbèhin ?
A travers dame Nougbèhin, je voudrais amener le lecteur à découvrir une autre facette de notre société. Sa rencontre avec dame celle – ci a été un prétexte pour exposer le trafic des enfants, les sales combines des maquis qu’on rencontre un peu partout, qui se basent sur des pratiques inadmissibles pour avoir un nombre important de clients fidèles.
L’autre personnage qui a attiré notre attention est le pasteur, faiseur de miracle. Un ‘’homme de Dieu’’ qui abuse sexuellement d’une fidèle. C’est une réalité courante mais qu’est ce que cette scène vient chercher dans une histoire d’enfant de rue ? N’est – ce pas un prétexte pour remplir les pages de l’ouvrage ?
Sourire…j’ai le défaut d’être souvent très concis dans mes narrations. L’histoire du pasteur est la suite logique du déclin du clan du chef Toukpin. Cette histoire a emporté Abéni la femme de Toukpin qui était décédé. Cette partie de l’histoire est un pan de sa vie que Yako nous raconte. Il a assisté Abéni dans ses dernières heures. Au-delà d’une histoire racontée, il faut noter que le fait dénoncé est aussi pertinent et relève des pratiques qui entachent le cercle religieux.
Revenant à Yakô, c’est un personnage que nous trouvons organisé dans l’esprit. Malgré les méandres de la vie qu’il mène, il est resté attaché à ses racines. Il a eu une partie de chasse avec ses amis d’enfance, un intermède de spectacle vodou. Veuillez revenir sur cela.

Il y a une certaine symbiose entre Yako et son environnement. Lors de son détour au village, il nous a fait vivre un moment magnifique. La quiétude qu’offre la vie dans ces milieux où l’environnement garde encore intacte sa magie.
Il nous a fait revivre ces soirées à palabre où défilaient des histoires des héros, pleines d’enseignements qui nous berçaient en présence des sages, talokpémi à portée de main. Plus loin, il nous a raconté une belle partie de chasse, avec toute l’émotion qui y va avec.
Comme s’il le faisait sciemment, Yako nous a présenté deux mondes extrêmement opposés. Cotonou où foisonnent choc des civilisations et modernité avec son lot d’illusions, de frasques et ses déboires. Son village où se cache à son avis tout le plaisir de vivre. Il n’a pas manqué de nous faire goûter à la traditionnelle fête des enfants mahi et les transes des prêtresses vodoun.
Les lecteurs d’Afrique et du monde d’aujourd’hui veulent connaître autrement l’Afrique. Ses vraies couleurs. Ne voyez – vous pas que la particularité de votre de livre serait de développer un aspect du vodou, puisque, ce riche patrimoine béninois, vous l’avez évoqué dans votre ouvrage mais de manière sporadique. Pourquoi vous vous êtes arrêté juste à une tranche de spectacle. Nous avons constaté que vous n’avez pas approfondi les idées à ce niveau – les lecteurs ont soif de ces réalités africaines. A notre avis, c’est une belle occasion loupée. Qu’en dites – vous ?
Non je ne pense pas avoir loupé une occasion de présenter aux lecteurs les splendides aspects de notre culture. C’est juste un avant goût. Le meilleur reste à venir. J’étais focalisé sur la rue et le vodoun, c’est l’antichambre qui ne s’ouvre pas n’importe comment. Il faut un travail approfondi.
Ah, oui ! Vous en êtes un fidèle adepte.
Sourire…
Toutefois, nous reconnaissons le travail de créativité dont vous avez fait montre dans votre livre. Beninlivres salue votre Aziza. Nous pensions que nous connaissions assez de choses sur les enfants de la rue. Mais avec votre roman, nous avons découvert beaucoup d’autres choses qui ne sont pas toujours visibles pour le public. En lisant votre ouvrage, on se demande si l’auteur n’est pas un ex – enfant de la rue. L’aviez- vous été. Sinon parlez- nous de la genèse de votre roman.
Je n’ai pas été un enfant de la rue. Mais lors de la rédaction de ce roman, un enfant de la rue m’a habité, m’a volé ma personnalité, a envahi mes pensées et me poussait à le dévoiler au monde. J’étais surpris aussi en relisant le livre de la profondeur des douleurs évoquées, du caractère de Yako et ces réalités qui passent sous silence dans nos sociétés et qui ne disent pas leurs noms.
Quel est votre plus grand souhait pour ce roman ?
Mon plus grand souhait est de voir ce roman porté en triomphe et contribuer à l’amoindrissement de ce phénomène écœurant qu’est les enfants de la rue.
Hector Djomaki, merci
Réalisation : Esckil AGBO/ / ©Beninlivres, juillet 2019