Oraisons pour un vivant : Jérôme Tossavi, ce menteur dernier cri

Oraisons pour un vivant : Jérôme Tossavi,  ce menteur dernier cri

Noyaux de micro-récits enchâssés les uns aussi délirants que les autres, les uns aussi dégoûtants qu’inquiétants, aussi déroulants qu’amusants le roman de Jérôme Tossavi est un tissu de mensonges vrais. Une allégorie de souffles, où chaque personnage prend la parole pour se raconter, se vider et disparaître tranquillement derrière le rideau. Sans crier gare.


Comme le héros du roman incarné sous le pseudo « Vieux », la plupart de ces personnages évoluent au gré de la narration et ne demandent pas la permission avant de prendre la parole pour porter le couteau dans la plaie.

Dans Oraisons pour un vivant, on marche sur le concret comme sur l’abstrait. Le concret, par exemple, c’est la mort du vieux et les feintes de son protagoniste Akidé. Si le premier incarne le bien le beau et le saint, le second est un trébuchement, le mal qui hante tout un village et qui finit par mal finir. Sa folie douce n’est qu’un prétexte pour le narrateur de se venger finalement de ce personnage hors norme.

Ce qui est abstrait dans le roman de Jérôme Tossavi, c’est le tissu de mensonge qui entoure l’élévation dans les cieux du Vieux enlevé de la terre par les anges célestes à la manière du Christ. Amagbégnon Cocou léonard, le héros du roman, sera-t-il le Christ noir que nous attendons depuis des décennies ?

C’est ici que le titre Oraisons pour un vivant revêt tout son sens et laisse perplexe le lecteur sur le parcours du héros.  La bière du vieux a été retrouvée vide lors de sa veillée de prière à la cour commune de Zogba. A ce carrefour de l’imagination romanesque qui nous renvoie à la Bible, l’histoire arpente les couloirs du fantastique religieux pour vite  accoster sur les rives de l’oubli et du regret d’un enfant narrateur qui parle pour essuyer le deuil d’un père mal mort.

Personnage absent plus que présent dans la diégèse, le Vieux m’embraille que pour relancer l’autopsie de son Ouèssè natal qui vit du bien et du mal, aussi.

Baudelaire, Sèwado, Goyigbé et les autres trainards du récit ne sont pas que des charognards égarés sur le quai de la société sans phare. Ils sont de vivants piliers sur lequel s’adosse le prosateur pour dire les blessures de son temps. Oraisons pour un vivant est plus qu’un roman. C’est un « miroir » comme l’a signifié le préventif  Okri Tossou qui y apporte toute sa caution. Dans l’exercice de décompte, le roman  s’offre à nous comme un tissu tissé à la main où on côtoie des personnages surgissant de nulle part.

Esckil AGBO