Découverte macabre en plein milieu de journée au Parc de la Pendjari, le corps d’une femme en combustion sous des branchages d’arbres. Bague de mariage, bracelet et bout de tissu rouge tout porte à croire qu’il s’agit du corps de Anaïs Yémanlin alias Vénus dès lors introuvable; musicienne réputée, adulée aussi bien dans son pays qu’à l’international, épouse de l’architecte Silvère Yémanlin. Elle est aussi la fille du Ministre de l’Economie, Stanislas Vézinou, annoncé dans les coulisses comme dauphin du Président de la république, qui était à la fin de son dernier mandat, pour les prochaines élections présidentielles.
Principal suspect dans cette affaire de meurtre, son mari Silvère Yémanlin qui avait pourtant dix ans auparavant fait l’impossible pour l’épouser vu la différence de classe sociale ; son beau père lui avait fait subir les pires humiliations, et ne ratait aucune occasion de lui rappeler ses origines modestes.
Son absence au moment de la découverte du corps, leur dispute au restaurant un peu avant la disparition de son épouse, sa déclaration devant le corps brûlé au troisième degré « tout est de ma faute, je ne voulais pas que ça arrive … » prise pour des aveux, son mutisme face aux enquêteurs pendant les interrogatoires pourtant musclés, un manuscrit retrouvé dans leur chambre racontant la mort d’une célébrité dans les mêmes conditions, tant d’éléments accablants incriminaient d’office Silvère.
Comment un homme qui quelques années plus tôt s’était battu contre le monde entier pour épouser cette femme serait-il arrivé à la tuer aussi sauvagement? Indignation totale des proches et fans de la célèbre chanteuse.
D’ailleurs ils étaient venus dans ce parc pour célébrer le 10e anniversaire de leur mariage, union dont étaient nés deux adorables enfants.
Pas le temps de se poser des questions, Silvère sera jeté en prison très vite avec une procédure judiciaire biaisée, orchestrée de main de maître par son beau père qui ne l’avait d’ailleurs jamais accepté, de surcroît, meurtri par la disparition tragique de sa seule fille. Il ira plus loin, convaincu de ne calmer sa colère que si le “meurtrier ” payait âme pour âme, il fera attenter à la vie de celui- ci en prison. Sauvé de justesse, Silvère Yémanlin contre toutes attentes, en conformité avec son nom de famille survivra à son agression à l’arme blanche après une longue période dans le coma. Mince! Stanislas Vézinou venait de rater l’occasion en or qu’il avait de venger le sang de sa fille, de plu,s il courait des risques si l’opinion publique apprenait que leur candidat favori essayait de tuer un homme.
Il pensa alors à être plus discret, avec son homologue de la justice, ils devraient arriver à faire flanquer à ce ” criminel ” la peine maximale: la prison à perpétuité.
Seulement le détenu était défendu par Maître Jean Pierre Binon, ancien camarade de classe de l’accusé, devenu ami qui lui avait d’ailleurs fait rencontrer Vénus, sa femme. L’intrépide avocat fera des pieds et des mains pour retarder la condamnation et essayer de prouver l’innocence de Silvère, mission très difficile vu les pouvoirs politique et financier de la partie adverse.
Dans son acharnement contre son gendre, Stanislas avait oublié, le redoutable Kora Takidi, son rival politique, connu comme rustre et brutal, marié et divorcé trois fois déjà, il avait pu avoir un enfant de chacune de ses unions. lls militaient au sein du même parti politique, celui de la mouvance. Kora, était un expert en coups bas, en retournement de veste, en félonie et il désirait ardemment être candidat à lélection présidentielle.
Malheureusement, le Président l’avait écarté au profit de Stanislas, il lui fallait user des grands moyens pour corriger l’injustice, il n’hésitait donc pas à proférer au Ministre de l’Economie des menaces ouvertes.
Stanislas Vézinou recevra un jour à son domicile une enveloppe contenant une photo de sa fille tenant un journal datant du jour de sa prétendue mort. C’était un montage ? Vénus serait toujours vivante ? Si c’était réellement elle où était- elle ? Qui était cette femme retrouvée en pleine combustion portant son habit, sa bague, son bracelet ? Comment a-t-on fait pour ne pas le savoir plus tôt ? Le médecin légiste sur les lieux n’avait-il pas identifié le corps ? Tant de questions déferlent dans la tête du lecteur.
Stanislas Vézinou retrouvera t-il saine et sauve sa tendre fille ? Si oui où était t-elle? Pourra- t-il réaliser son rêve d’accéder à la magistrature suprême ? Les éléments de réponses à toutes ces questions nous sont fournis dans le roman Meurtre à la Pendjari du jeune écrivain béninois Modestes Gansou Wéwé.
Le livre est paru aux éditions Plurielle en 2014.
Modeste Gansou Wéwé est diplômé de Sociologie – anthropologique à l’Université d’Abomey – Calavi, lauréat du Prix Plumes Dorées en 2010 ,grâce à son autre roman tout aussi accrocheur Le mal d’aimer.
Meurtre à la Pendjari s’ouvre sur un meurtre et se referme sur un autre. Amour, politique, corruption, science, désir de vengeance, personnages atypiques, suspense, rebondissements extraordinaires, tout est finement tissé pour faire vivre au lecteur un voyage magique et inoubliable à travers 214 pages. Avec une telle adresse, un tel savoir faire dans l’écriture, le polar Béninois peut se vanter d’ores et déjà d’avoir de beaux jours devant lui .
Par Kafui Persis GUIVI, ©BENINLIVRES juin 2022