Retard de langage chez les enfants : Voici ce qu’il faut savoir

Retard  de langage chez les enfants : Voici ce qu’il faut savoir

De façon générale, les linguistes s’intéressent au langage sous tous ses aspects : le langage en activités, le langage considéré comme mouvant, le langage dans son état naissant et, finalement, le langage en dissolution.


Selon Jakobson, (1968) « le langage est la capacité spécifique à l’espèce humaine de communiquer aux moyens d’un système de signes vocaux (ou langue) mettant en jeu une technique corporelle complexe et supposant l’existence d’une fonction symbolique et de centres nerveux génétiquement spécialisés ». Le langage est  le principal instrument de communication de l’homme, dira l’autre. La maîtrise de cet instrument qu’est  le langage n’est pas seulement l’association des signes ou des mots à des objets comme ce que font certains animaux.

C’est l’établissement d’une relation avec un univers abstrait dans lequel un mot, quel qu’il soit, peut entretenir des relations avec des objets sans rapport entre eux. Pour Delahaie (2004), les repères chronologiques classiques de l’évolution du langage ne concernent en moyenne  que  50 % des enfants. Ainsi, environ 50 % des enfants prononcent leurs premiers mots vers l’âge de 10-12 mois, avec certains enfants  plus précoces et d’autres plus tardifs. Mais comment pouvons-nous situer les causes en tant que chercheurs ?

Plusieurs situations sont les causes des  écueils à savoir : les carences affectives, le traumatisme crânien et le neuropaludisme qui perturbent le développement du  nourrisson jusqu’à l’âge de l’adolescence. L’une ou l’autre situation engendre des pathologies liées au langage oral chez l’enfant, dont le retard du langage et le retard de parole.

Les parents de l’enfant  présentant ce retard de langage oral, perdent espoir car le rêve d’un enfant idéal est perdu. L’enfant est ainsi abandonné. Or, l’environnement grâce à ses stimuli de toute sorte, contribue considérablement au développement du langage oral chez l’enfant ; ce qui pouvait les motiver à plus s’occuper de l’enfant en difficulté. La relation mère-enfant est d’autant si capitale que Bruner (1983 p.15) a démontré que l’enfant ne peut pas accomplir les prodiges de l’acquisition du langage sans posséder en même temps un ensemble de capacités uniques le prédisposant à apprendre le langage, apparenté à ce que Noam Chomsky a appelé ‘’dispositif d’acquisition du langage : DAL’’.  

Mais les parents ne jouent plus convenablement leur rôle de stimulation de l’enfant. Les enfants grandissent dans un environnement défaillant en stimuli pouvant faire développer le langage des enfants. Cette situation a fait augmenter les pathologies liées au langage oral comme le retard de langage chez les enfants, lesquelles pathologies se constatent aujourd’hui dans le monde scolaire et surtout chez les plus petits. A cet environnement déjà pauvre en stimuli, s’ajoute le phénomène de bilinguisme et les problèmes organiques (sur lesquels nous ne mettrons pas d’accent dans cette réflexion).

 L’enfant une fois scolarisé, éprouve de difficultés à être intelligible. De plus, le langage écrit lui pose de véritable problèmes jusqu’au point où certains abandonnent l’école. Ces capacités (capacité à imiter et à exprimer des émotions, la capacité à synchroniser ses mouvements avec ceux d’autrui), constituant un répertoire de réponses génétiquement programmé, jouent sans doute un rôle déterminant au cours de la communication précoce,  (Collecta, 2004 p.113).

Il serait louable, avant d’évoluer dans le sujet proprement dit, d’expliquer les notions de langage oral, de parole et d’acquisition.

  • Le langage oral est la capacité, spécifique à l’espèce humaine, de communiquer au moyen d’un système de signes vocaux mettant en jeu une technique corporelle complexe et supposant l’existence d’une fonction symbolique et de centres corticaux génétiquement spécialisés », (Dubois et al, 2002, p.264). Le langage oral peut être défini comme un système de signes propre à favoriser la communication entre les êtres. Pour Frédérique et al (2011, p.147), le langage fait intervenir différentes disciplines : c’est un acte physiologique (réalisé par différents organes du corps humain), psychologique (support de l’activité volontaire de la pensée) et social (permet la communication entre les hommes). Pour le fonctionnaliste (Martinet, 2011), le langage obéit aux lois générales des activités humaines.
  • L’acquisition : selon le dictionnaire d’orthophonie, l’acquisition est une notion qui signifie « ce qui n’existe pas à la naissance, mais qui apparaît au cours de l’existence, par suite d’une adaptation de l’organisme à son milieu, d’un apprentissage. Ce terme est opposé le plus souvent à inné, à congénial ou héréditaire ». Selon certains chercheurs, il existe deux types d’acquisitions : l’acquisition linguistique, celle de la langue (phonologie, lexique, morphologie, syntaxe) et les acquisitions pragmatique et sociolinguistique (la maîtrise des usages à communiquer, à converser et à produire des discours monologues, le développement des capacités à adapter ses conduites langagières au contexte).
  • Le retard de langage : Il est défini selon le dictionnaire d’orthophonie (2011, p.241) comme « un décalage par rapport à une norme attendue ». Nous tenons à dire que si un retard se comble, un trouble, lui, persiste à vie. Les critères dynamiques (évolution insatisfaisante) ou quantitatifs et qualitatifs (inadaptation au handicap, déviances multiples), permettent de mieux centrer le débat.

Dans la pratique clinique en orthophonie et même en neurologie, en linguistique, qu’en psycholinguistique, les enfants âgés de 2 ans ½ à 5 ans sont plus fréquemment référés par le médecin, l’orthophoniste ou le psycholinguiste pour le retard de langage. Plusieurs causes sont à la base de ces difficultés. Il est constaté le plus souvent :

  • le manque de temps chez les parents pour assister et échanger avec leurs enfants.
  • la livraison des enfants très tôt aux écrans.
  • l’imitation de façon erronée des personnages observés dans le film par les enfants.

Beaucoup de théories permettent de justifier l’existence du retard de langue et du retard de parole. On peut énumérer :

La théorie de Chomsky, celle de la grammaire générative (GG) qui est basée sur une méthode scientifique. Ici, Chomsky considère la langue comme faisant partie de la biologie humaine. Pour lui, la grammaire des langues est mentale.

Pour Piaget et ses disciples, l’appareil cognitif humain dans son ensemble gouverne la langue. Plusieurs stades sont donc évoqués par Piaget comme les stades des créations. Pour Piaget, les connaissances ne peuvent être le seul résultat de la perception, mais elles «  sont toujours dirigées et encadrées par des schèmes d’actions ».

Le linguiste John LOCKE avec sa théorie neuroéthologique s’intéresse à la psychologie et ses travaux portent sur le développement et la production du langage chez tous les jeunes enfants. Selon Locke, il faut découvrir comment l’enfant acquiert les capacités émotives, sociales, perceptuelles, motrices, neuronales, cognitives et linguistiques dont il ou elle a besoin pour un usage effectif de la langue. Pour cette raison, il faut, selon lui, s’engager dans la recherche interdisciplinaire en linguistique, en psycholinguistique et en neurolinguistique. Pour Locke, l’acquisition n’est pas le seul processus qui fait que l’enfant arrive à parler mais dépend aussi du développement du système nerveux. 

L’enfant voyage le long d’un sentier de croissance développementale qui n’est pas lui-même linguistique mais qui mène au langage d’une façon naturelle. Il pense que le chemin qui mène l’enfant vers le langage dans les premières années est lié au génome en collaboration avec  des interactions sociales qui caractérisent notre espèce et d’autres facteurs qui sont de nature biologique. Il attribue donc une part beaucoup plus importante à l’environnement plutôt qu’à l’inné dans le développement du langage. Selon Locke, ce qui est signifiant pour que l’enfant apprenne une langue, est écrit dans les visages, les voix et les gestes des locuteurs de son entourage. La structure visible et les mouvements du visage (les yeux y sont inclus) qui servent de modèle et qui sont un facteur crucial en matière d’acquisition de la langue maternelle fournissent, entre autres, des informations concernant l’indexation (indexical informations). Le cerveau de l’enfant est préprogrammé pour adopter des comportements qui mènent au langage parlé, mais en même temps, le développement neuronal dépend de stimuli. Mais les stimuli visuels ne sont pas vraiment nécessaires pour développer le langage puisque les enfants aveugles apprennent à parler.

De tout ce qui précède, il est clair que le développement du langage ne se fait pas de manière désordonnée. Ce développement a pour premier sous bassement une prédisposition génétique qui ne peut s’exprimer toute seule. Comme preuve, les enfants mis en contact  avec les loups durant des années n’ont pas pu avoir un langage articulé mais plus tôt celui des lourds qui consiste à hurler. Ceci dit aisément que la société humaine joue un grand rôle dans l’expression de cette prédisposition génétique d’où l’apport de l’environnement social et humain de l’enfant. Que pouvons-nous dire des pathologies liées au retard de parole et au retard de langage ?

 Le retard de parole

C’est un Trouble Spécifique du Développement du Langage (TDSL). Ces troubles n’ont pas d’incidence particulière sur l’acquisition du langage écrit. Il s’agit d’une forme phonologique pure dans laquelle la programmation, c’est-à-dire le choix des phonèmes entrant dans la constitution d’un mot, ainsi que leur mise en séquence correcte est perturbée. Cette  altération de la chaîne parlée, est constatée dans les productions verbales de l’enfant à partir de 4 ans. Le retard de parole peut se manifester par des simplifications de mots semblables à celles qui se rencontrent dans les productions orales du petit enfant qui commence à parler. Par exemple,

  • le mot/gato/ pourra être prononcé /tato/ ;
  • en fòngbè /afɔ́kpà/ pourra ̂etre prononcé /atɔ̀kpà/;
  • en revanche, chez le même enfant, le phonème /g/ et /f/ des mots « gare » et « afɔ̀ » peut être produit correctement.

Le retard de parole comme “perturbation de la programmation des phonèmes qui composent un mot” (Coquet, 2004) est distingué du trouble d’articulation (erreur motrice permanente et systématique de réalisation des phonèmes). Les erreurs rappellent les altérations qui sont normales au cours du développement mais à un âge où elles auraient dû disparaître et sont sensibles aux procédures de facilitation et d’étayage.

Le retard de langage

C’est un Trouble Spécifique du Développement du Langage (TDSL). Il est noté l’apparition retardée ou organisation perturbée de la fonction linguistique au niveau du vocabulaire, de la structuration syntaxique, de l’utilisation du langage dans la communication. Le langage peut être atteint dans ses modalités compréhension et expression”.

Le déficit est à la fois phonologique et syntaxique. Aux symptômes du retard de parole s’ajoutent des difficultés à associer les mots en phrase et à manipuler les composantes grammaticales. La sévérité du retard de langage est variable : il peut s’agir au minimum de maladresses syntaxiques et, au maximum, d’un tableau proche de l’agrammatisme avec des élisions (notamment des omissions de mots outils : articles, pronoms…) et l’absence de flexions verbales (par exemple, les verbes sont le plus souvent employés à l’infinitif). Il s’agit de perturbations normales au cours de l’évolution du langage, mais dont la persistance au-delà d’un certain âge conduit à poser le diagnostic de retard de développement.

  Ignace ADEBIYI, Docteur en linguistique clinique