LA CHRONIQUE. Enseignante de français et Rédactrice à www.beninlivres.org, Persis Kafui GUIVI nous dit sa lecture du roman Le Salut tumulaire de Sophie Adonon.
En Afrique, dans les sociétés patriarcales, l’une des pilules les plus difficiles à avaler est l’infidélité féminine, ce sera pourtant la croix que portera doublement Norbert Lanmè, un retraité de PPT du Bénin époux de deux femmes, addict aux jeux de hasard, père d’une dizaine d’enfants.
En effet, Norbert se rendra compte que toutes ses deux épouses le ‘’cocufient’’. Curieux de savoir quels hommes osaient lui faire ça, il découvrira qu’en réalité il n’y avait pas d’hommes, Josiane et Dorothée, ses épouses, les coépouses qui devraient être animées d’une rivalité voir même d’une aversion entre elles, s’étaient entichées l’une de l’autre et vivaient désormais sous les ordres d’Eros, sous le toit de leur mari. Ces femmes étaient désormais fricatrices. Ces pratiques ont toujours existées dans les sociétés africaines, même si elles sont taboues, défend Sophie Adonon dans son roman.
«La cruauté nait de la faiblesse » disait Sénèque, les deux femmes amantes pour vivre pleinement leur amour penseront à éliminer Norbert, mais Josiane la jeune épouse, un peu plus compatissante proposera de juste éloigner leur mari de la maison. Le plan est mis à exécution avec le concours ignorant des enfants, profitant d’une énième perte de Norbert à la loterie. Le père de famille se retrouve à la rue, hué par sa famille avec quelques maigres affaires qu’il a sauvées de justesse au milieu de la route, qui avaient été jetées dehors avec lui.
Une nouvelle vie commence donc pour lui, loin de Cotonou dans son village natal Sinhoué-Zoumey, il s’occupera à l’agriculture et à des travaux communautaires. Il agrémentera sa nouvelle vie par des épousailles avec l’éclatante Benoite-vivô, une belle jeune femme à la peau claire et aux courbes irrésistibles, qui lui fera un enfant, un garçon appelé Bonus Fènou, un trisomique, un « Tohossou » incapable d’articuler.
Norbert, désormais papa Bonus, n’a pas malgré la scène de Cotonou arrêté de jouer à la loterie, il en achetait onze billets à chaque fois, chaque billet correspondant à un de ses enfants. Il y mettait 2200 F par semaine, soit 8800 F par mois et 105 600 F par année.
Un jour, le dernier ticket, le ticket bonus correspondant à l’enfant Bonus sera le gagnant. Sophie comme dans sa nouvelle Illusion dermique parue dans le recueil Dix écrivaines béninoises: Histoires de famille, invite à voir d’un autre oeil ces personnes qui ont des différences ou des handicaps.
Quelle somme gagnera Norbert après tant d’années d’essai et de perte ? Qu’en fera-t-il ? Qu’est devenue sa famille de Cotonou constituée de deux femmes ayant cinq enfants chacune ? Comment réagiront –ils quand ils apprendront que le même homme qu’ils ont jeté dans la rue parce qu’il était accro à la loterie était par ce biais multimillionnaire?
Générosité, cachoterie, effronterie, cupidité, machination, profanation de sépulture, sont autant d’éléments réunis par la Romancière béninoise pour marquer d’ un sceau spécial cette histoire que vous découvrirez plus amplement en vous dotant du roman Le Salut tumulaire, 25 ème oeuvre de l’écrivaine, dans toutes les librairies du Bénin 3500F.
Pour rappel, le livre est paru à Porto – Novo, aux éditions Beninlivres en juin 2021.
Par Kafui Persis GUIVI© BENINLIVRES, juillet 2021