Roman / Un chant écarlate : Plume féministe, Mariama Bâ revit

Roman / Un chant écarlate :  Plume féministe, Mariama Bâ revit


La Chronique de la Semaine. Paru le 04 février 2022 en France chez Les Prouesses, Un chant écarlate, le deuxième livre de la célèbre Romancière sénégalaise Mariama Bâ est de nouveau disponible sur le marché.


Publié pour la toute première fois, juste après le décès de l’Ecrivaine en 1981, Un chant écarlate est désormais dans les rayons des librairies et autres coins de vente d’ouvrages en France et dans plusieurs pays africains. La nouvelle parution est signée aux éditions Les Prouesses en France.

Le livre restitue le parcours amoureux de deux adolescents, le Sénégalais Ousmane et la Française Mireille. Tout a commencé dans un lycée à Dakar où les deux ados, alors candidats au baccalauréat, se rencontrent. Amour soudain et irrésistible, Ousmane et Mireille désirent se marier. Mais, c’était sans compter la position de leurs parents respectifs. A cette union voulue par les deux adolescents, les familles s’opposent. Mireille, fille de diplomate est interdite d’établir tout lien avec Ousmane, garçon à peau noire et membre d’une famille de basse classe sociale. Pour les éloigner l’un de l’autre, et en guise de sanction contre l’entêtement de la jeune française, elle est envoyée en France pour continuer ses études. Mais les deux tourtereaux ne démordent pas. A l’âge adulte, Ousmane rejoint Mireille en France et, par le lien du mariage, ils s’unissent. Le jeune couple retourne au Sénégal et s’y installe définitivement. Mais sur la terre dakaroise, la jeune mariée devra faire face aux exigences impérieuses et souvent soudaines de son époux, un peu trop dévoué à sa communauté. Leur amour a dû prendre un gros coup face à la pesanteur des traditions.


Le féminisme au cœur de l’écriture de Mariama Ba


Mariama Ba est une Romancière dont la démarche d’écriture relève d’une envie ou d’un souci de faire le rapport de ce que vit la femme dans la société africaine. En lisant cet auteur, on se rend compte que derrière sa plume, se cache l’intention d’exposer les « mille versants » de la condition féminine. Sans ambigüité, cette intention de la Romancière apparaît dans son premier livre, Une si longue lettre (1979). Ramatoulaye, l’héroïne de cet ouvrage y est présentée comme une victime des pressions de la tradition et de la société. Certes, celle –ci, parce que instruite a réussi à surpasser les agressions à lui infligées par sa belle famille, après le décès de son époux.
Dans Un chant écarlate, l’écrivaine ne s’est pas éloignée des conditions féminines. Ce roman apparaît comme le complément qui vient s’ajouter au premier livre de l’écrivaine pour confirmer la peinture féministe de sa plume. Une plume pour révéler ce que, dans le silence et loin de tout autre regard, vivent les femmes. Une plume pour montrer comment et combien de fois les femmes, sans défense sont victimes d’agressions sous toutes ses formes. Une plume pour provoquer un changement des conditions féminines.


Tel un précurseur, Mariama Ba aura laissé derrière elle plusieurs adeptes de cette forme d’écriture. La Nigériane Chimamanda Ngozi Adichie se présente comme « une féministe africaine heureuse » et sa plume le prouve largement. Nous rappelons son titre Nous sommes tous féministes, Gallimard 2015 où elle essaie d’attirer un nouveau regard sur la femme d’Afrique, ceci, en présentant des faits et gestes de la vie quotidienne qui montrent que la femme est moins considérée que l’homme dans la société. L’Ivoirienne Tella Boni, dans son livre intitulé Que vivent les femmes ? paru en 2008 chez Panama interroge la place de la femme africaine d’abord, dans sa propre société et puis dans le monde. Elle s’intéresse spécialement au rapport entre la femme et la politique (la gestion des affaires publiques). Et la Sénégalaise Mariétou Mbaye, ne s’est – elle pas donné pour pseudonyme Ken Bugul, ce qui signifie celle dont personne ne veut en Wolof ! Son nom d’artiste ou de plume nous apprend à suffisance sur son écriture féministe. Son premier roman Le Baobab fou, par ailleurs le plus célèbre de sa bibliographie est un miroir des souffrances que la société fait supporter à la femme. A ce premier livre autobiographique de Ken Bugul s’ajoutent deux autres qui s’inscrivent dans la même logique. Nous avons Cendres et braises, paru en 1994 chez l’Harmattan qui est une satire contre les violences conjugales et Riwan ou le chemin de sable (Grand Prix d’Afrique noire en 1999) qui vient, avec véhémence remettre en cause les conditions de vie des femmes en Afrique.


Par Esckil AGBO© BENINLIVRES, février 2022