LA CHRONIQUE. Premier livre du jeune béninois Alexis Féligbé, le roman Un destin rattrapé sera lancé le dimanche 25 juillet 2021 à Cotonou. Il est publié aux éditions BENINLIVRES. Nous en parlons par ici.
Lisez notre opinion.
Mesdames et messieurs, amis du livre et de la lecture, je suis un jeune enseignant en poste dans un village du nord – Bénin. Des élèves que j’ai rencontrés dans ce village, il y en avait une que j’appréciais beaucoup. Ceci pour la qualité de son intelligence et pour son attachement au livre et à la lecture. Oui, cette fille peuhle aimait lire. Elle dévorait les ouvrages comme un petit enfant mange avidement du chocolat.
Un jour, elle me confia que son écrivaine préférée est Sophie Adonon, et qu’elle rêve de la rencontrer.
Hélas ! Cette rencontre entre l’auteure de Pour une poignée de gombos et son fan pourrait ne jamais arriver. Puisque cette jeune peuhle, entre – temps, victime du mariage forcé, n’a désormais ses yeux que pour la case de son conjoint. En classe de seconde, elle fut enlevée de l’école pour être offerte tel un présent à un homme, déjà marié deux fois. Sa scolarisation venait ainsi d’être abrégée.
Amis lecteurs du roman Un destin rattrapé d’Alexis Fèligbé, je vous fais ce regrettable témoignage à l’aube de ma préface pour montrer qu’en portant sa plume sur l’éducation scolaire des filles, le jeune romancier béninois ne s’est pas trompé. Parce que le mal persiste. L’ennemi, nous le croyions anéanti, abattu et inhumé, mais il est toujours sur place. Malgré les nombreuses actions pour le faire disparaître.
En Afrique, scolariser une fille est donc une bataille sans fin. Alexis Fèligbé l’a compris. Ainsi poursuit-il cette lutte entamée par ses pères dans l’écriture, notamment le Malien Seydou Badian du célèbre roman Sous l’orage. Avec Un destin rattrapé, le jeune auteur relance le débat qu’il pense toujours d’actualité.
Le livre s’ouvre sur les aboiements incessants d’un chien. Tellement les cris de la bête étaient si forts et aigus que son maître fut obligé d’écourter son sommeil pour savoir ce qui n’allait pas. Mais il ne trouva rien d’étrange. Pas de visiteurs indésirables, pas de signes de cambrioleurs. Tout était au point et en nombre dans la concession. Alors qu’est – ce qui pouvait faire aboyer autant le chien et ce, au milieu de la nuit profonde ? Anxieux et perplexe, Vigan se rendit le lendemain chez son prêtre de Fâ pour consulter les anciens. L’oracle lui révéla, qu’à l’origine des cris du chien, son refus d’inscrire sa fille Lolo à l’école. Le devin lui signala qu’il n’aurait la paix que s’il acceptait envoyer enfin sa fille, âgée de douze ans, à l’école. Mais celui –ci s’y opposa farouchement. Une bataille se déclencha.
Ce qu’Alexis Fèligbé nous donne à lire dans ce roman, c’est surtout le pouvoir des traditions africaines à faire changer positivement les choses. Détruites, galvaudées et maladroitement interprétées, sous la plume de l’auteur d’Un destin rattrapé, elles trouvent un nouveau souffle. Celui de montrer ou d’imposer la voie de la liberté et du développement.
Trois points fondamentaux, au-delà du récit, caractérisent l’intérêt littéraire de l’ouvrage. D’abord la simplicité du style. Ensuite, la forte présence de l’intertextualité qui à notre sens témoigne de la culture littéraire de l’auteur. Et enfin, sa volonté d’accorder régulièrement la parole à ses personnages.
En un mot, Alexis Féligbé, dans ce roman a réuni le nécessaire pour offrir au public une lecture – plaisir. Bon vent donc à Un destin rattrapé.
Par Esckil AGBO, Enseignant – Journaliste