Ousmane Alédji. Cet homme, admirablement élégant, si j’étais une femme, je ferais l’impossible pour être à la fois l’élue de son cœur mais aussi de sa vie. Grand de taille, sur son visage, il ne donne pas l’impression d’être Artiste / Ecrivain mais homme d’affaire. Le calme dans sa démarche, la fraîcheur dans son timbre vocal et la douceur qu’il projette sur ses interlocuteurs sont des indices qui me font soutenir qu’il est naturellement le pôle de la paix. La violence, ce n’est pas le mot qui existerait dans son dictionnaire.
Mais chaque fois que je lis Ousmane Alédji, je me dis qu’il n’a de plume que pour donner un sens au terme « Violence / virulence / Engagement …». C’est un Ecrivain qui agresse comme la verge de Tolégba, il est trop dur. Dans la fiction comme dans l’essai, il écrit, tout cru. Au Bénin, il faut être Ousmane Alédji pour donner à ses ouvrages des titres comme Les enfants n’oublient rien, Un peuple calme est inquiétant, Pourrissement. Le dernier est paru aux éditions Arttistik à Cotonou. Nous en parlons dans notre chronique de ce dimanche 31 mai 2020.
En se référant au dictionnaire, « Pourrissement », désigne « l‘état d’une chose qui pourrit, c’est le fait de pourrir ou de faire pourrir ». Le dramaturge béninois, en proposant ce titre à son livre, plonge le lecteur dès les premières pages dans le catalogue de la cruauté.
Journalistes tabassés, « agressés à coups de crosses et de matraques ». Telle est la scène qui ouvre cette pièce, laquelle retient le lecteur le long de ses 84 pages. Il y est fait le portrait de Djanta, un Chef d’Etat cruel, qui définit, par ses propos, faits et gestes, le vrai pouvoir politique.
« Le pouvoir, le vrai est un lieu de pourrissement », explique celui –ci à son Ministre de la santé à la page 35. Et pour plus de détails, Djanta poursuit : « baiser la femme de son ministre n’est rien du tout, cela participe du spectacle pour distraire le peuple ».
En effet, dans cette œuvre, par six personnages, Ousmane Alédji fait la nomenclature du « pouvoir politique » ; il dessine un environnement infect où les thématiques du pouvoir, de l’alcool, de la violence, du crime et du sexe orientent les « destinées individuelles » et parfois celles du peuple. L’auteur met ainsi au centre de sa création l’horreur qui alimente quotidiennement le monde politique, un monde où la morale n’a pas de place.
Loin de vouloir ‘’idéaliser ‘’ la politique et le pouvoir, Ousmane Alédji essaie plutôt de les faire comprendre. Mieux, c’est un avertissement adressé à ses lecteurs, mais surtout à ses enfants à qui il a dédié la pièce de théâtre. En lisant cet ouvrage, on découvre qu’en politique, « la morale est pour les moines », on constate qu’avec le pouvoir les valeurs fondamentales s’effondrent car, comme c’est écrit à la page 39 du livre « tous les pouvoirs finissent par s’habituer à la barbarie ».
Par Esckil AGBO, ©BENINLIVRES, mai 2020