Un destin rattrapé / Chrys Amègan << Je m'adresse à toi femme!>>

Un destin rattrapé / Chrys Amègan << Je m'adresse à toi femme!>>

LA CHRONIQUE. Enseignant de français, Chroniqueur littéraire, Chrys Amègan pose une question à la gente féminine après sa lecture du roman Un destin rattrapé d’Alexis Féligbé, ouvrage paru chez Beninlivres éditions à Porto-Novo, en juillet 2021. Lisez son texte.

Je m’adresse à toi femme !

Imagine que tu es inspectrice de police toute puissante et que tu diriges tout un commissariat. Un jour, tu te retrouves à instruire une grave infraction routière qui a créé des blessures graves à trois accidentés. Le conducteur ayant causé l’infraction puait l’alcool, était sans permis et était complètement méconnaissable.

En tant qu’agent de police, femme battante et femme de loi, tu te réjouissais à appliquer les textes, dans leur rigueur comme dans leur implacable sévérité. Tu jubilais même de punir cet homme. Cet homme qui a failli faucher trois vies, tu t’enchantais à instaurer davantage ton respect de femme, ton respect de femme-chef, en faisant de lui un exemple, un message à envoyer à tous les conducteurs indélicats de la ville.

Puis, imagine que cet homme misérable qui puait le sodabi et qui conduisait sans permis est ton père. Oui, ton paternel biologique que tu n’as pas reconnu, mais alors pas du tout. Tu ne l’as finalement reconnu que grâce à ta mère, venue coïncidemment à ton service pour te parler. Cet homme ton père, c’est lui qui t’a chassée de la maison, non, c’est lui qui vous a chassées de la maison, ta mère et toi, il y a de cela 17 ans, à cause d’un problème bête qui relève de l’autre siècle : ta scolarité.

Cet homme alcoolique Femme, que tu t’apprêtais à verbaliser sauvagement et qui s’est avéré être ton père est aussi un polygame fini. Un polygame bon teint, qui sait chasser la première pour entretenir la seconde. Et c’est ce qu’il a fait avec ta mère quand celle-ci demandait simplement à ce qu’il te mette à l’école, comme tes demi-frères, toi la fille aînée.

Et en ce 21e siècle, cet homme devant toi, au lieu de penser comme la Grande Royale, détient encore la mentalité de Fadiga le muezzin qui disait dans Sous l’orage de Seydou Badian : “Ma fille à moi ne verra jamais les portes de ce lieu”. Et jusqu’à tes 12 ans, tu n’avais pas encore connu les délices des tables-bancs, les saveurs de la craie et de l’ardoise, ni la peur sucrée du palmatoire.

Imagine que ce gars est en plus une vraie tête de mule, un borné, qui tenait à t’ouvrir une boutique de sodabi au lieu de t’envoyer à l’école. Il a tenu tête à ton grand oncle instituteur, à ton autre grand oncle traditionnaliste, à son propre bokonon et même aux Ancêtres quant à ta scolarité, tous ayant intercédé en ta faveur. En vain.

Jusqu’à ce que, après ton départ, non, après votre départ, ta maman tombe sur un vrai homme. L’homme qui sera ton père adoptif, l’homme qui va te faire rattraper ton destin. L’homme qui va épouser ta mère, qui va te scolariser, payer tes études entièrement, tout, jusqu’à ce que tu deviennes aujourd’hui inspectrice de police.

Puis, comme la vie aime se jouer des gens, elle te met devant cette situation : ton père qui te vouait à un destin de vendeuse de sodabi dans une grave infraction routière, qui te supplie de le pardonner, de le laisser partir, de comprendre sa pauvreté.

Dis-moi, que ferais-tu : tu le défères devant le procureur ou tu joues la fibre filiale ? N’oublie pas : malgré tout, c’est ton père biologique. Celui-là même qui t’a donné la vie.

Comment Lolo a-t-il géré cette situation ? La réponse dans Le destin rattrapé d’Alexis FELIGBE.

Par Chrys AMEGAN